Mot du Patriarche Maronite au Sénat Francais, le 5 Septembre 2011


Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Chers amis,

C’est une grande joie pour moi et pour la délégation qui m’accompagne d’être parmi vous ce soir. C’est aussi une belle opportunité d’être reçu ici, au Sénat. Car ce haut lieu de la République française revêt pour les Maronites une signification particulière. En raison d’une histoire partagée d’abord, puisque la chapelle attenante du Petit Luxembourg fut le premier lieu de culte pour les Maronites en France entre 1893 et 1899. Et en vertu d’une amitié dont vous êtes, Monsieur le Président Larcher, Mesdames et Messieurs les membres du groupe d’amitié France-Liban, et vous tous ici présents, les dignes représentants.

Le Patriarche Maronite arrivant au Sénat Français

Cette rencontre consolide notre amitié historique et nous incite à lire ensemble les événements qui bouleversent la géopolitique des pays du Moyen-Orient. Il nous incombe de bien comprendre les transformations qui secouent leurs sociétés, d’en mesurer la portée et identifier les enjeux. Car la pérennité de notre présence dans nos patries, sur notre sol d’origine, et la stabilité du Liban, du Moyen-Orient et du Monde arabe en dépendent.


Oui aux réformes, à la démocratie, à la liberté, et à la modernité dans le respect des valeurs. Mais soyons vigilants contre toute dérive vers l’extrémisme, ou l’effritement sur des bases religieuses ou confessionnelles.

Voilà pourquoi à l’échelle libanaise, depuis mon élection au siège patriarcal en mars dernier, des approches nouvelles ont été impulsées en vue de ramener les parties antagonistes au dialogue et à la raison. Ces approches relèvent d’une équation qui prend acte des aspirations au changement dans la région, sans renoncer aux valeurs et aux intérêts qui sont les nôtres à savoir: la diversité dans l’unité; le vivre ensemble en égalité de droits et de devoirs, le respect de l’autre dans sa différence, la dignité de toutes les personnes humaines. Toute tentative privilégiant la violence signifierait un échec du jeu démocratique tant au niveau de la pensée qu’au niveau de la responsabilité et de la fidélité envers sa patrie et ses compatriotes. C’est dans ce but que j’ai choisi, dès mon élection, la devise: Communion et Amour.

Aujourd’hui, eu égard aux conjonctures, j’en appelle à l’intensification du dialogue dans l’esprit de vraie réconciliation nationale. A l’heure des grandes questions qui président à la destinée de la région, les Libanais ont plus que jamais besoin de retrouver leur socle commun, de s’approprier davantage leur Pacte national. Que l’on se souvienne tous que le « Liban est plus qu’un pays. Il est un message et exemple », comme l’a appelé le Pape Bienheureux Jean-Paul II. Il est un “message et exemple” de convivialité entre les chrétiens et les musulmans. En effet “des hommes différents sur le plan culturel et religieux sont appelés à vivre ensemble, sur son sol, pour édifier une nation de dialogue et de convivialité, et pour concourir au bien commun” (Une Espérance Nouvelle pour le Liban, n.119).

Aucune faction libanaise n’est en mesure, dans les circonstances actuelles d’engager le Liban pour l’avenir. Les divisions internes rendent illégitimes toute prétention à parler au nom du Liban. Il est nécessaire que les libanais se concertent sur une nouvelle entente à partir du Pacte National actuel.

Chers amis, la dérive confessionnelle des institutions de l’Etat et les systèmes politiques religieux rongent les sociétés du Moyen Orient et minent peu à peu nos forces vives. Ils sont fondamentalement antinomiques du vivre ensemble et de toute cohésion nationale. On ne peut les transcender que par l’instauration d’un Etat civil, et par la réalisation du vœu du Pape Jean-Paul II que “les chrétiens et les musulmans du Moyen-Orient soient appelés à construire ensemble un avenir de convivialité et de collaboration, en vue du développement humain et moral de leurs peuples. De plus le dialogue et la collaboration entre chrétiens et musulmans au Liban pourrait aider à ce que, dans d’autres pays, se réalise la même démarche” (Une Espérance Nouvelle pour le Liban, n.93).

C’est ce à quoi nous aspirons. Et c’est là un signe d’espoir qu’attendent nos jeunes afin qu’ils puissent s’épanouir dans leur société. C’est là encore un remède à l’émigration endémique que nous subissons souvent de façon irréversible. C’est là enfin un chantier de taille pour les années à venir et dans lequel l’aide de la France est attendue et sera la bienvenue.

Vive la France, vive le Liban et vive l’amitié franco-libanaise.

Selon la publication du Patriarcat Maronite.

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